Pollution spatiale et débris de satellites : Astroscale à la rescousse

Article publié dans TheGood.fr

La pollution est sans limite et trouve de nouveaux territoires : le ciel. The Good a rencontréMarcus Goddard, Directeur Business intelligence chez Netexplo pour nous éclairer. Netexplo est l’observatoire des nouveaux usages de la technologie à destination des grandes entreprises en partenariat avec l’Unesco, HEC et 19 universités. En tant qu’expert de captation des innovations dans le monde, Marcus Goddard aide à repérer les 100 plus grandes innovations dans le monde et décrypter leurs usages pratiques. Discussion « la tête dans les étoiles » pour parler business durable et de son lauréat Astroscale qui vient de recevoir le grand prix innovation Unesco-Netexplo pour dépolluer l’espace.

Conséquence involontaire de plus de six décennies d’exploration humaine de l’espace et résultante des dislocations et explosions des quelques 8 950 satellites, placés en orbite depuis 1957, l’augmentation de la densité des débris spatiaux pourrait entraîner des collisions en chaîne.

Poubelle à ciel ouvert 

L’heure est à l’urgence nettoyage : 34 000 objets de plus de 10 centimètres (parmi lesquels il y a seulement 2 000 satellites actifs), 5 400 objets de plus d’un mètre, 130 millions d’objets de plus d’un millimètre. Après plus de 60 ans de vols spatiaux, quelque 5 000 satellites sont toujours en orbite autour de notre planète. Pourtant, seuls environ 1 950 d’entre eux sont en service ; plus de trois sur cinq sont à l’abandon, susceptibles d’exploser et de répandre des débris sur des voies orbitales vitales sur les plans économique et scientifique. Ceux-ci viendront s’ajouter aux plus de 900 000 débris d’un centimètre, actuellement en orbite, pouvant chacun endommager, voire détruire, un satellite en état de marche.

Entre le projet pharaonique Starlink pour l’internet haut débit d’Elon Musk avec 20 000 satellites basse altitude, la solution de la société OneWeb ou le projet orbital Aquila de Facebook, les lancements à risque se multiplient et la question de la pollution spatiale reste sans réponses. Qui pour gérer cette nouvelle pollution ? Comment identifier les responsables de ces débris laissés à l’abandon ? Le marché des satellites ne doit-il pas se convertir à l’économie circulaire ? Dans quelle poubelle devra-t-on mettre ces nouveaux déchets spatiaux ? Avons-nous trouvé le nouvel aspirateur à débris façon Pacman ou le joli filet à papillon pour nettoyer le ciel ?

Pour lutter contre cette nouvelle pollution, la start-up japonaise Astroscale a levé 191 millions de dollars pour déployer une solution de nettoyage de l’espace à partir de mars 2021. Pour décrypter les enjeux de l’espace et nous détailler le projet d’Astroscale (Grand Prix Unesco-Netexplo), nous rencontrons Marcus Goddard, Directeur Business intelligence chez Netexplo.

The Good : On a beaucoup parlé de la pollution massive des plastiques dans les océans, de la pollution de l’air dans les grandes villes, pourquoi la pollution spatiale est aujourd’hui un enjeu ? 

Marcus Goddard : C’est un vrai enjeu environnemental et business car nous avons encombré l’espace avec beaucoup de satellites, surtout en basse orbite et certains sont devenus complètement incontrôlables. La présence de beaucoup de débris gênent énormément le départ de nouveaux satellites. Ces lancements vont se multiplier pour deux raisons qui s’entrechoquent : la première raison est que nous avons besoin de plus en plus de satellites pour observer la pollution et le changement climatique. La deuxième est que nous devons réduire la fracture numérique en proposant rapidement l’internet haut débit aux régions du monde défavorisées, qui ont besoin de connaissance et d’éducation.

The Good : Depuis combien de temps mesure-t-on le nombre de déchets dans l’espace ?

M.G. : On s’est intéressé à Astroscale depuis quelques années, qui est à la convergence de la technologie au service du développement durable, mais aussi une réponse à des opportunités business actuelles de l’exploration spatiale pour de nombreuses industries. La data satellite très riche en données économiques, devient un outil de business intelligence pour de nombreux secteurs comme la finance, l’industrie, l’agriculture. Prenons par exemple la captation des images satellites des files d’attente dans les stations-services, l’éclairage des villes, et bien sûr toutes les observations climatiques dopées à l’IA qui pourraient être stoppées par la collision d’un débris sur ces satellites commerciaux.

The Good : Comment le satellite Astroscale récupère-t-il les débris de satellites dans l’Espace ?

M.G. : C’est d’abord un exploit mathématique et d’ingénierie, car il est très compliqué de s’approcher d’un satellite qui n’est plus maîtrisé. Le satellite Astroscale récupère le débris puis procède à une désintégration maîtrisée avec combustion intégrale du déchet dans l’atmosphère sans risque de retombées toxiques sur la terre.

Nobu Okada le CEO d’Astroscale précise en détail cette prouesse technologique :

« Dans l’espace, il y a beaucoup de lumière avec le soleil et la lune et c’est grâce à cette lumière que nous allons pouvoir cibler la bonne taille du débris que nous voulons traiter. Quand on s’approche de ce débris, il tourne très vite sur lui-même. Notre satellite se synchronise avec son mouvement, on va ensuite le stabiliser et on va l’attraper avec des aimants et le faire descendre dans l’atmosphère, où il va brûler et se désintégrer. On pourra mesurer en mars la performance de notre solution avec un premier lancement sur un lanceur Soyouz depuis la base de Baïkonur au Kazakhstan. Nous avons prévu de commencer à nettoyer l’orbite terrestre à partir de mars 2021. La solution que nous avons développée est très complexe. En effet nous avons trois défis à relever : un enjeu technologique, un modèle économique à construire (entreprises privées, gouvernements et agences spatiales japonaise et européenne) et enfin une volonté politique. Le paysage politique a vraiment changé depuis deux ans et les gouvernements prennent enfin la question de la pollution spatiale très au sérieux ».

The Good : Quelle est la différence entre le projet japonais Astroscale avec le projet suisse Cleanspace proposé par ESA prévu en 2025 dans le cadre du projet de nettoyage des débris spatiaux Space19+ ? 

M.G. : Nous avons primé Astroscale plutôt que le projet suisse Cleanspace qui est aussi un très bon projet parce que nous souhaitons mettre en lumière des enjeux opérationnels et des opportunités business court terme de cette solution de développement durable. Astroscale est le projet le plus avancé au monde et confirmé par les investisseurs (191 millions de dollars). Le business de la pollution spatiale est clé et il y aura de la place pour de nombreuses entreprises sur ce marché naissant. Je ne serai pas étonné de voir dans un avenir proche fleurir des conférences sur le marché du débris spatial et d’expliquer aux entreprises que ce business n’est pas du tout de la science-fiction.

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