Nadia Auclair, PDG de Carbiolice : « Nous faisons le pari de la compostabilité du plastique en effaçant son impact environnemental »
Selon les dernières données de l’ADEME, le tri des biodéchets à la source permettrait de réduire le poids des poubelles de 30%. Bonne nouvelle, l’entreprise auvergnate Carbiolice développe depuis 2016 une solution révolutionnaire pour accélérer la biodégradation complète des plastiques et qui permet de faire rentrer enfin le plastique dans l’économie circulaire. Rencontre avec Nadia Auclair, sa PDG visionnaire, et Laura Perrin, Responsable de la Communication chez Carbiolice.
Basée à Riom, au cœur de l’Auvergne, la start up dirigée par Nadia Auclair, polymériste de formation, a mis au point un additif à base d’enzymes qui rend le plastique PLA (bioplastique issu de matière renouvelable) 100% compostable. Quatre années de recherche ont été nécessaires pour développer cette innovation protégée par une vingtaine de brevets mondiaux et a permis à Carbiolice d’être désignée « biotech industrielle la plus innovante d’Europe » par le Prix 2019 d’Europa Bio. Après de nombreuses récompenses Carbiolice vient de recevoir en janvier 2021, le Label Solar Impulse et fait partie des 1000 solutions pour changer le monde.
The Good : Expliquez-nous votre valeur ajoutée révolutionnaire ?
Nadia Auclair : Parce qu’il n’est pas toujours possible de se passer du plastique, et que le recyclage seul ne suffit pas pour lutter contre les conséquences néfastes de la fin de vie de ce matériau, nous faisons chez Carbiolice le pari de la compostabilité. En permettant aux plastiques d’origine végétale de se transformer en compost en moins de 200 jours, même à température ambiante, nous permettons aux emballages, par exemple, d’être revalorisés en matière organique et donc de ne jamais devenir des déchets. C’est une solution concrète d’économie circulaire qui permet de conserver la praticité du plastique, tout en effaçant son impact environnemental. Nous avons créé une solution pour permettre au plastique de se bio dégrader avec notre enzyme Evanesto qui s’adresse au plastique PLA pour le rendre 100% compostable.
Nous nous sommes pour cela rapprochés du leader mondial dans le développement et la fabrication des enzymes, le danois Novozymes, pour développer un partenariat en R&D avec la fourniture d’enzymes. Evanesto est le premier additif à base d’enzymes qui, une fois « encapsulée » au sein des PLA accélère leur biodégradabilité lorsqu’ils se retrouvent au contact de certaines conditions de température, humidité et PH, c’est-à-dire une fois jetés au bac à compost.
Laura Perrin : Notre Raison d’Être est d’apporter des solutions pour lutter contre la pollution plastique. Nous faisons face à un double constat : premièrement, il est difficile de se passer du plastique car il a des attributs difficilement remplaçables. Il est impératif de réduire drastiquement la consommation du plastique mais dans certains cas cela n’est pas encore possible. Carbiolice veut réinventer la fin de vie du plastique « utile». Le deuxième constat est que le recyclage du plastique atteint des limites. Seulement 29% des emballages plastiques sont recyclés et si on retire flacon et bouteille en PET on tombe à 5% d’emballage recyclés seulement.
Le problème du recyclage du plastique est que les emballages plastiques sont trop complexes à traiter. Multicouches ou trop fins ou souillés par les aliments, une grande partie des plastiques, y compris les bioplastiques, échappent au recyclage.
Avec notre additif Evanesto nous créons une fin de vie au plastique et nous avons d’ailleurs reçu l’année dernière un premier label Ok Home Compost sur des films plastiques délivré par le Groupe autrichien TÜV Austria, qui garantit ainsi une biodégradation complète dans les conditions d’un compostage à domicile notamment.
The Good : Carbiolice peut-il rendre biodégradable tous les emballages plastiques ?
L.P. : Oui Carbiolice a pour ambition d’offrir une fin de vie beaucoup plus environnementale à tous les plastiques et pas uniquement le PLA*. Evanesto est le premier additif de notre gamme que nous commercialisons. Avec 60% de notre budget consacré à la R&D, nous travaillons sur notre feuille de route de nouveaux additifs pour donner une fin de vie à tous les plastiques.
En moins de trois ans on a réussi à développer un produit qui a une réalité industrielle avec des applications réelles extrêmement prometteuses et nous allons continuer. Il est important de préciser que nous ne souhaitons pas nous placer du côté des additifs «oxodégradables» qui atomisent et fragmentent le plastique et accentuent la dispersion des matières nocives dans les sols et qui seront interdits en juillet 2021 conformément à la loi AGEC. Notre additif accélère la biodégradation intégrale sans particules résiduelles, et ce en maximum 180 jours, soit plus vite que la dégradation des feuilles d’arbre ramassées dans le jardin.
The Good : Quel est votre plus gros challenge actuel ?
L.P. : Nous sommes à une étape charnière de notre développement. Nous concrétisons notre ambition en commercialisant notre additif en 2021 avec malheureusement un peu de retard à cause de la crise sanitaire. Nous sommes en train de finaliser les essais de qualifications au niveau européen sur les lignes industrielles avec une vingtaine d’entreprises. Nous sommes plutôt concentrés sur les secteurs agro-alimentaires mais aussi sur les emballages techniques comme par exemple les bulles de calage dans les colis, les films à palettisation mais aussi dans le secteur agricole comme les pots horticoles, les films de paillage. Nous disposons de 20 brevets qui nous permettent d’encapsuler l’enzyme qui va survivre même à haute température au moment de la fabrication du plastique et s’activer au moment de sa fin de vie. Le deuxième avantage est la forme de notre additif en granulé comme le PLA qui ne ralentit pas la chaîne industrielle au moment de la fabrication.
Nous travaillons avec la RSE et les services achats des grandes marques agro-alimentaires et les transformateurs pour faire ce virage dans l’économie circulaire. Notre challenge est l’industrialisation avec la mise sur le marché de notre technologie très innovante en Europe. Nous prévoyons d’attaquer le marché américain en 2022.
The Good : Ambitionnez-vous de devenir une Entreprise à Mission ? Quelle stratégie RSE derrière Carbiolice ?
L.P. : En septembre dernier, nous avons formalisé notre Raison d’Être qui est inscrite dans les statuts d’entreprise comme le permet la loi Pacte. Nous avons pris quatre engagements qui s’inscrivent dans les ODD des Nations Unies :
- Économique : avec un indicateur du taux de croissance de nos effectifs moyens par an, un engagement pour une production locale et bien sûr la création de nouveaux emplois.
- Engagement social : tout mettre en œuvre pour protéger la sécurité de nos clients et de nos salariés avec les indicateurs de taux d’accident du travail et des fiches préconisation sécuritét d.
- Engagement environnemental : minimiser notre impact énergétique avec un indicateur de kWh/tonne consommé.
- Engagement sociétal : Notre ambition, réduire le volume de déchets plastiques dans le monde. Nous avons un impact environnemental majeur : 1 tonne d’Evanesto permet de retirer 20 tonnes de déchets plastiques dans la nature ! Nous avons obtenu la certification ISO 9001, et nous sommes adhérents de la Fondation Respect Ocean. Nous sommes très fiers d’avoir obtenu le label Solar Impulse en janvier 2021 qui prouve que le durable est rentable.
Par ailleurs, nous avons 25 salariés avec surtout des femmes ce qui est assez rare dans la plasturgie et nous sommes très fières de voir que beaucoup se sont engagées et compostent à leur domicile suite à notre questionnaire interne
Interview parue dans TheGood